Débat : Le défi de la propriété intellectuelle face à l’intelligence artificielle (IA).

Aujourd’hui, plus que jamais, notre société est complétement projetée dans une réalité virtuelle. L’intelligence artificielle a connu une accélération phénoménale et prend désormais une dimension essentielle dans la vie collective.

Des nouveaux défis juridiques se présentent avec cette nouvelle réalité, laquelle soulève des questions basiques mais cruciales.

– Quel droit faudrait-il appliquer à l’IA ?

– Comment faudrait-il l’appréhender ?

– Serait-il opportun de procéder, comme en droit des sociétés, et lui octroyer la personnalité juridique ?

Qui dit intelligence artificielle dit activité intellectuelle, et qui dit activité intellectuelle dit propriété intellectuelle.

Comment la propriété intellectuelle va-t-elle s’appliquer à l’intelligence artificielle ?

Le but de cet article n’est pas de répondre à ces lacunes juridiques mais plutôt d’offrir quelques pistes de réflexion afin de se rendre compte des enjeux et d’ouvrir le débat.

Nous allons nous baser dans le cadre de cet article sur l’ordre juridique suisse, considéré comme étant parmi le plus complet en matière de propriété intellectuelle.

Au niveau du droit d’auteur : Qui est propriétaire des œuvres générés par l’IA ?

La question de la titularité a fait couler beaucoup d’encre dans le milieu de la propriété intellectuelle.

En effet, la question qui se pose est de savoir : Est-ce que « Sophia le Robot » est titulaire de son œuvre littéraire ou est-ce que la titularité de l’œuvre revient à « David le concepteur de Sophia » ?

En droit Suisse.

Les articles 9 à 11 de la loi sur le droit d’auteur (LDA) précisent l’étendue du droit d’auteur sous l’angle de la relation entre l’auteur et son œuvre. Les droits garantis à ce dernier sont de nature patrimoniale et morale. Nous nous intéressons particulièrement aux droits patrimoniaux, lesquels requièrent le consentement de l’auteur.

Le premier défi juridique : Peut-on imaginer qu’un jour l’IA soit dotée d’un consentement quelconque ?

En effet, l’auteur peut exiger à un tiers le paiement d’une rémunération pour offrir son autorisation d’utilisation. Tout d’abord, l’article 9 al. 1 LDA confère à l’auteur de l’œuvre un droit exclusif sur cette dernière, ainsi que le droit de faire reconnaître sa qualité d’auteur.

L’auteur possède également de ce fait le droit exclusif de décider quand et comment son œuvre sera divulguée, c’est-à-dire rendue accessible pour la première fois à un grand nombre de personnes ne constituant pas un cercle de personnes étroitement liées (art. 9 al. 2 et 3 LDA).

L’article 10 al. 1 LDA confère pour sa part à l’auteur le droit exclusif de décider quand et comment son œuvre sera utilisée. On considèrera à cet égard la liste non exhaustive des possibilités d’utilisation de l’œuvre prévues à l’article 10 al. 2 LDA.

Enfin, l’article 11 LDA consacre le principe d’intégrité de l’œuvre : l’auteur peut seul décider si, quand et de quelle manière son œuvre peut être modifiée ou utilisée pour la création d’une œuvre dérivée ( art 11 al. 1 LDA).

On peut finalement relever qu’aux termes de l’article 11 al. 2 LDA, l’auteur pourra s’opposer à toute altération de son œuvre portant atteinte à sa personnalité, ce quand bien même le tiers aurait été autorisé par un contrat ou par la loi à modifier l’œuvre ou à l’utiliser pour créer une œuvre dérivée.

Dès lors, pour appréhender la titularité du droit d’auteur dans le domaine de l’intelligence artificielle, encore faut-il répondre en amont à des questions existentielles :

1) Doit-on doter l’intelligence artificielle du pouvoir de décision ?

2) Doit-on octroyer la personnalité juridique à l’IA ?

3) Doit-on octroyer le droit au consentement à une IA ?

Le débat est ouvert.

To be continued…